Les nouvelles que ses subordonnés dégotaient ces derniers mois n’avaient plus rien de palpitant…

« Little News » soupira et se leva de son siège d’un air las. Ses pas le guidèrent lentement vers une pièce annexe à la salle de rédaction où il passait ses journées à éplucher les scoops de ses reporters et à définir la ligne éditoriale du Journal qu’il dirigeait d’une plume de fer. Plume caustique et acérée qui avait perdu de sa superbe dernièrement. La faute à un monde relativement ennuyant et sans aucun incident majeur…

Une fois dans ladite pièce, le rédacteur en chef et patron du « Times » alluma les lampes et contempla ses archives. Il eut un léger sourire et se remémora quelques souvenirs de son enfance, lorsqu’il aidait son père, feu Morgans à dénicher de vieux journaux pour alimenter ses articles propagandistes en faveur des forces de la marine. Le bon vieux temps, oui. Révolu aussi, puisque l’axe de communication de son journal était désormais neutre. Pirates ? Révolution ? Gouvernement Mondial ? Marines ? L’homme n’avait aucun parti et divulguait toute exclusivité croustillante sans aucun tabou ni aucune vergogne…

Nonchalamment, Little News se mit ensuite à parcourir la salle à travers les nombreux rayonnages parsemés ça et là. Au bout d’une bonne poignée de secondes, il arrêta sa marche devant une étagère particulière et récupéra un énorme bouquin qu’il prit le temps d’épousseter soigneusement. Le titre du livre était sans équivoque :


Cataclysme. Boucherie. Désastre. Tragédie…

Ces adjectifs ne sauraient même pas décrire ce qui s’était exactement passé sur l’île de Wano cette année-là. Si l’ouvrage dépeignait les actions de chaque camp dans les moindres détails, Little News préféra le ranger. La conclusion était peu glorieuse : contrairement à la bataille de Marineford, peu de personnes survécurent, à l’instar de Trafalgar Law qui devint par la force des choses l’un des empereurs actuels du nouveau monde.

Kaido et ses sbires ? Morts. Big Mom et son équipage ? Également. L’armada du Mugiwara et ses alliés ? Décimés.

Néanmoins, des zones d’ombres subsistaient sur le cas du dernier groupe. Des rumeurs faisaient état de quelques survivants de l’équipage initial du chapeau de paille, mais aucune preuve palpable ne fut mise en lumière trois décennies après les faits. Pourtant, leurs fantômes semblaient encore hanter ce monde à travers lesdites rumeurs qui alimentaient encore leur terrible légende. Celui qu’on avait temporairement surnommé « le cinquième empereur » avait définitivement marqué les esprits…

Le rédacteur récupéra un autre bouquin du même acabit qu’il se mit à feuilleter de façon distraite. Le deuxième tome des chroniques de l’an 1525 traitait des conséquences de la grande guerre de Wano dans le reste du monde.

À la suite de la mort des deux empereurs précédemment cités, Barbe Noire décida d’annexer les territoires des défunts dans un mouvement expansionniste. Son initiative fut stoppée net par Shanks le Roux et un combat sans merci se déroula dans la mer chaudbouillante, près du territoire de feu Big Mom où les deux équipages s’entretuèrent complètement.

De son côté, la marine fut débordée dans un premier temps par une effervescence non-feinte chez les pirates un peu partout sur les mers ainsi que par des shichibukais révoqués et donc assoiffés de vengeance. Elle faillit sombrer lorsque la révolution se mêla à la danse, mais les CP et les dernières inventions de Vegapunk firent vite de rétablir l’équilibre pour une guerre d’usure gagnée sur le fil. Le résultat des courses fut tout de même désastreux de part et d’autre : si les corsaires avaient presque tous péri ainsi qu’une bonne partie des têtes pensantes de la révolution, l’amirauté fut également annihilée dans sa quasi-totalité.

1525 fut une véritable année noire où toutes les institutions s’effondrèrent ou presque.

Little News referma le bouquin. A partir de cette année, toutes les cartes furent redistribuées et le monde vécut une certaine accalmie durant quelques temps. Accalmie toute relative, cependant : si les blues et la première partie de Grand Line furent plus ou moins épargnés par un retour en force de la piraterie puisque la marine malgré son état affaibli veillait au grain, ce ne fut pas le cas du nouveau monde où des équipages s’entretuèrent et se succédèrent constamment à la tête de divers territoires. Malgré les évènements qui marquèrent l’an 1525, les mots de Gold Roger resonnaient toujours dans les cœurs et le One Piece restait d’actualité pour tous ces hommes avides d’aventures, de richesses et de gloire…

Au terme d’une décennie entière, deux nouveaux empereurs émergèrent coup sur coup : Charlotte Katakuri, fils de Big Mom qui n’avait pas pris part à la grande guerre de Wano reprit le flambeau et reconquit tout l’archipel appartenant à sa défunte mère. Il fut suivi un an plus tard par l’émergence d’un tout nouveau groupe pirate avec à sa tête un revenant : Trafalgar Law. Survivant de Wano, l’homme s’installa également sur une partie du nouveau monde sur laquelle sa main mise fut totale. Il ne fallut pas longtemps pour que les deux autres places « vacantes » soient de nouveau occupées par d’autres figures toutes aussi puissantes que les premières…

Ces émergences alarmèrent la marine qui finit par nommer à sa tête Smoker. Soucieux de préserver la paix sur les blues et la première partie de Grand Line, le nouvel-amiral en chef réinstalla le QG de la marine à Marineford et procéda à des recrutements massifs. Peine perdue. Le retour sur scène de grands noms comme ceux de Katakuri et de Law marqua un nouvel âge d’or de la piraterie dont la vague submergea une fois de plus les marines. Ce problème fut accompagné de rumeurs sur la formation d’un nouveau mouvement révolutionnaire qui fleurissait dans l’ombre et qui recommençait à secouer des nations à la botte du Gouvernement Mondial. De quoi pousser ce dernier à reconsidérer sa position sur les shichibukai dont il rétablit finalement l’ordre.

Little News soupira longuement et s’approcha d’une fenêtre avant d’observer la forêt environnante qui entourait la clairière dans laquelle s’était posé son QG volant, un petit dirigeable. 30 ans plus tard, la situation était redevenue la même qu’avant 1525. Si ces mouvements de part et d’autre animèrent le monde et donnèrent du grain à moudre à son quotidien, il n’y avait plus rien eu de marquant depuis bientôt une bonne année. Tout stagnait. Les pirates pullulaient dans le monde et avaient de nouveaux la mainmise sur le Nouveau monde. La néo-révolution orchestrait des coups fulgurants dans certaines contrées, mais rien de bien fameux. Les chasseurs de primes se recomposaient suite au nouveau regain de la piraterie et le GM avait regagné du poil de la bête à travers le remaniement de la marine, son bras armé.

Un nouvel âge d’or de la piraterie, certes, mais qui avait tout à envier au précédent.

Mais alors qu’il comptait recommencer à se faufiler entre les étagères de l’archive, Little News vit un martin facteur foncer vers son QG. Sa casquette noire ne laissait planer aucun doute : Les nouvelles que la mouette apportait étaient importantes, voire urgentes. Tout d’un coup excité, il sortit en trombe du dirigeable, récupéra la mouette et l’enveloppe qu’elle transportait avant de déballer cette dernière à la hâte. Il tomba alors sur deux clichés qui le laissèrent pantois :

La première photo montrait un homme de stature moyenne à la peau mate se recueillant devant une tombe, fusil posé sur une épaule. En retournant la photographie, une note mentionnait que le cliché avait été pris dans la semaine, sur l’île de Syrup, à East Blue…

La deuxième montrait également un homme de stature moyenne profiter d’une chope de bière dans une petite taverne. Son sourire si caractéristique et le chapeau de paille qui camouflait son regard ne laissaient pas de place au doute. Pour confirmer ses suppositions, le journaliste retourna également la photo qui faisait mention de l’île et de la date : La prise datait seulement de deux jours, au royaume de Goa.

Le cœur du rédacteur en chef ne fit qu’un bond et c’est comme une furie qui déboula dans la salle de rédaction, apeurant le reste de son équipe journalistique. Il voyait déjà sa une avec un gros plan sur ces clichés rapportés par ses reporters et le titre racoleur qui allait avec :