La réputation d’Ojin n’était plus à faire sur West blue. S’il avait émergé récemment en raison de la recrudescence des actes de piraterie, quiconque l’ayant croisé auparavant ne pouvait oublier l’aura du chasseur. Cynique, radical, imprévisible, son efficacité dans la traque et capture des primés était proportionnelle à son avidité. Ainsi, son nom s’était peu à peu élevé sur West blue, principal théâtre de ses ambitions. Aussi bien pour ses méthodes que l’on disait fourbes et impitoyables que pour son apparence, Tokoyami étant affublé d’un kimono et surtout d’un bandage couvrant son oeil éborgné.

Ainsi, en entendant parler de cette rumeur de prime juteuse, il ne lui avait pas fallu longtemps pour se rendre au lieu d’entretien, sur Ilusia. S’il n’avait vécu que des mauvaises choses sur cette île, la roue s’apprêtait manifestement à tourner… et en sa faveur.

“ … “

Une fois rendu sur place, le jeune homme fut très vite accueilli et mené vers le bureau de l’intéressé, pressé d’en savoir plus tant que de sortir d’ici. Ojin avait beau travailler indirectement de concert avec la marine, celui-ci n’avait jamais apprécié la faction. Trop de règles, d’autorité, de restrictions… pour un hédoniste tel que lui, cet endroit n’était manifestement pas adapté.

Mais, mettant de côté son aversion, le chasseur s’installa suite à l’invitation de l’homme qui lui faisait face, appréciant au passage le thé qu’il lui proposait, cette boisson représentant un grand pan de son existence… puisque son lieu de naissance se prénommait justement l’île du thé. Mais trêve de tergiversions, l’heure n’était plus aux soliloquies mais bien au concret.

“ Hm… c’est tout à fait adapté. “

Dit-il en attendant que le thé refroidisse légèrement, concentré sur sa besogne. Nul besoin d’en dire plus, Ojin était fait pour ce travail. Mais il allait sûrement falloir plus qu’un simple “oui”, le jeune homme décida donc d’étayer.

“ Voyez-vous, j’accorde une grande part à la discrétion et l’effet de surprise… sans oublier d’évoquer le fait que je sois capable de fendre un rocher en deux, je pense répondre à vos critères. “

Dit-il sans aucune humilité, cette caractéristique n’ayant aucunement sa place ici.

“ Mais dites m’en plus à propos de cette prime. “

Demanda t-il, affichant un léger sourire alléché.

Son efficacité n’était certes plus à prouver, mais motiver le chasseur qu’il était relevait d’une autre paire de manches. Il était arrivé plusieurs fois au jeune homme de refuser un contrat ou de livrer sa cible à des personnes plus ou moins louches après tout. Bien entendu… le gouvernement n’en savait rien.

“ Tokoyami Ojin. “

Dit-il simplement en guise de présentation suite à celle du lieutenant, hochant la tête pour le reste. User de Den Den Mushi n’était pas dans ses habitudes, Ojin étant accoutumé au fait de travailler seul… mais s’il devait s’embarrasser de cela pour empocher la prime, pourquoi faire la fine bouche. Un chasseur est censé pouvoir s’adapter en toutes circonstances.

Buvant son thé avec quiétude, le jeune homme écouta ensuite les explications détaillées de son interlocuteur. Celui-ci n’était manifestement pas du genre à s’embarrasser de fioritures, pour son plus grand plaisir. Aussi maniéré et parfois obséquieux pouvait-il être, Ojin n’appréciait pas de tergiverser lorsqu’il était question d’argent et surtout d’une manière de se divertir. Car son véritable ennemi n’était pas la pauvreté, mais bien l’ennui.

“ Ce genre d’individus ne sont pas habitués à être confrontés par un unique adversaire. Il suffit de se frayer un chemin jusqu’à lui… et le tour est joué. “

A priori, s’il devait le ramener vivant, la tâche nécessiterait un certain doigté. Ojin étant de toute manière plus habitué à ramener ses cibles en vie, la prime étant souvent bien plus haute, ce détail ne relevait pas d’une contrainte. Tout bon chasseur sait modérer sa soif de sang… et faire preuve de prudence. Aussi confiant pouvait-il être, le borgne ne se laissait jamais dépasser par l’orgueil quand bien même en était-il rempli.

Récupérant l’affiche du primé de son côté lorsqu’il lui tendit, Ojin détailla un peu plus le visage du fugitif. Une bonne tête de criminel valant bien la prime de 25 millions qui lui était affublée. D’ailleurs, Ojin connaissant bien West Blue et par extension last camp, le terrain ne devrait pas être un problème pour lui à priori.

“ Hum… “

Le plan proposé semblait correct. A vrai dire, il épargnait même au jeune homme d’avoir à réfléchir au sien. Sans doute devrait-il penser à travailler davantage de concert avec les autorités à l’avenir, Ojin appréciant le travail bien fait. Si sa solitude était un avantage non négligeable la plupart du temps, elle pouvait parfois poser quelques soucis d’organisation.

“ Je n’ai rien à redire. Ce sera fait. Mais préparons-nous au pire, sa prime n’est pas la par hasard et je doute qu’il soit idiot. “

Précisa t-il, pragmatique, en terminant sa tasse de thé.

Ojin acquiesça silencieusement. Nul doute qu’il connaissait lui-même les affaires des nobles, n’étant pas vierge de tous reproches. S’il parvenait à rester discret et renvoyer une image de chasseur de primes exemplaire, il n’était pas rare pour le borgne d’user de moyens peu recommandables pour parvenir à ses fins… et nuire aux nobles de diverses manières lui était déjà arrivé. Après tout, autant prendre la ou il y a le plus. Ojin n’avait de toute manière toujours pas de prime sur la tête de par la discrétion dont il savait faire preuve, sans parler de ses talents pour l’entourloupe.

“ … “

Commençant à réfléchir à son approche, Tokoyami observa la fiche de procès verbaux avec attention. A priori, l’homme tuait surtout pour s’assurer de ne pas être attrapé en laissant fuiter des informations, pas comme une fin en soi. Si ses partenaires n’étaient que rarement cités, Ojin supposa qu’ils restaient néanmoins nombreux et/ou forts. Un homme seul ne pourrait décemment pas commettre tant de vols et attaques sans avoir de bons subordonnés à ses côtés.

“ En effet, j’aimerais savoir une dernière chose. “

Dit-il en rendant la fiche à son propriétaire.

“ Que sait-on de West Duke ? Quand a-t-il commencé ses exactions et que pouvait-il faire avant cela ? “

Cette question n’était pas posée par hasard. En effet, si son visage devait sûrement écarter cette possibilité, le jeune homme gardait en tête que la solidité de son corps pouvait être dûe au Tekkai utilisé par la marine… ce qui pourrait, dans le cas échéant, laisser supposer qu’il ait eu accès à cet art au travers de contacts à la marine, s’il n’en a pas tout simplement fait partie lui-même. Mais sachant que cette supposition pourrait paraître irrespectueuse, l’avide se garda bien de la formuler. Aussi indélicat pouvait-il être, cet entretien et le contrat qui allait en découler nécessitait d’avoir un comportement coopératif.

“ Concernant le reste, je tiens à préciser que je ferais mon possible pour le ramener vivant… ce qui ne sera sûrement pas le cas de ses acolytes. “

Ramener une prime saine et sauve étant déjà un dur travail, qu’on ne compte pas sur lui pour en faire de même avec ses subordonnés.

Ojin afficha un sourire teinté de mesquinerie. Ainsi était-il ce genre de criminel s’étant fait sur plusieurs années, étant par extension particulièrement expérimenté en la matière. En un sens, son parcours était semblable à celui d’Ojin mais dans un camp différent. Drôle de hasard que la vie les ait ainsi opposés, sans doute mènera t-il un combat intéressant si cet homme s’avère aussi doué qu’il le présume…

Mais la véritable bonne nouvelle fut d’avoir carte blanche concernant ses acolytes. Manifestement, son interlocuteur lui était semblable au moins sur le fait de ne pas s’embarrasser des futilités. Droit au but, impitoyable, tout ce qu’était Tokoyami finalement. S’il ne se montrait pas spécialement sanguinaire, préférant la plupart du temps ramener les captifs en vie (surtout motivé par l’argent), le jeune homme passait régulièrement de petits bandits au fil de sa lame. Les hommes de mains étant sa plus longue liste de victimes, assurément.

“ Parfait. Ils savent ce qu’il en coûte de leurs exactions de toute manière. “

Une fois cela dit, le jeune homme se leva promptement avant de tendre la main vers son interlocuteur, scellant donc leur entente. Qu’il soit borgne ne changeait rien à son savoir faire et le rendait au contraire bien plus attentif encore.

“ Je fais toujours en sorte de remplir ma part du contrat. Enfin, un acte vaut mieux que mille mots. “

Une fois leur poignée de main serrée -ou non-, le borgne rejoignit la porte sans attendre.

“ Nous restons en contact. “

Direction Las camp, et la traque de ce West Duke. Sans attendre ni se préparer, Ojin ayant déjà le nécessaire, le jeune homme embarqua sur un navire de transport en direction de l’île. Voyager sous un pavillon marine serait idiot et suspect, mieux valait privilégier discretion et sobriété. Après tout, le chasseur utilisait avant tout des méthodes fourbes pour venir à bout de ses adversaires, préférant user de la ruse que de la force brute. Non pas qu’il en manquait, mais se fatiguer n’était guère son genre…

Le voyage dura une nuit. Aux premières lueurs du jour, le jeune homme, ayant dormi dans une cabine aussi exiguë qu’inconfortable, monta sur le pont et usa de son den den mushi pour prendre contact avec son employeur. Aussi répandue était l’utilisation de ces engins, Ojin n’avait jamais apprécié s’en servir.

“ Ici Tokoyami. J’ai l’île en visuel, j’accoste dans dix minutes à vue de nez. “

Du repérage ? S’il était plus expérimenté dans le pistage, Tokoyami ayant l’habitude de filer ses proies et non pas d’attendre qu’elles viennent à lui, sa perspicacité et son sens de l’observation restaient importants. Ainsi, investissant le temps qui lui restait dans l’exploitation des lieux, le borgne repéra plusieurs points de fuites. Égouts, ruelles, ainsi que différents points d’observation qu’il signala aux troupes du lieutenant au cas où celles-ci pourraient les exploiter. Au final, la prime semblait manifestement beaucoup encourager le jeune homme dans l’application de son travail.

Ainsi, l’heure approchant, celui-ci se plaça au point de rendez-vous. Pour l’occasion, son kimono et ses getas avaient été mis de côté pour porter des habits un peu plus communs et professionnels, du moins pour un contrebandier.

“ Reçu. Je vois du mouvement, je vous recontacte. “

Un nom, une description physique. S’il pensa un instant à se faire passer pour lui, Ojin réalisa bien vite la stupidité de cette idée qui n’aurait pour ainsi dire aucune chance de succès. Ainsi, voyant du mouvement plus loin et devinant le visage de Duke sur ce corps manifestement difforme, le jeune homme s’approcha du trio paisiblement.

Duke, particulièrement hideux, semblait accompagné d’un homme à forte carrure bien que relativement plus trapu que son supérieur. Epaules carrées, court sur pattes, celui-ci avait tout du typique homme de mains. La femme, elle, était manifestement ici contre sa volonté. En effet, celle-ci portait un collier en ferraille autour du cou telle une esclave et la seule expression de son visage renvoyait une peur viscérale… rapidement balayée par la colère de Duke, qui s’irrita en voyant Tokoyami débarquer.

“ Edogawa s’est brisé le genou tout à l’heure après le passage d’une vague scélérate. J’ai du venir le remplacer en urgence, mais il saura vous dédommager grassement pour le dérangement. “

Dit-il en s’approchant. S’il aurait dores et déjà pu lui foncer dessus, Tokoyami préférait le mettre au minimum en confiance afin de jouer sur l’effet de surprise… s’il parvenait à baratiner suffisamment l’homme bien sûr. Ojin savait manier la parole, mais s’en servait surtout pour séduire la gent féminine que pour berner les criminels.

Ojin, de son seul oeil, lança un regard teinté de perfidie en direction de l’hideux. Aussi désagréable fût-il à la vue, le chasseur restait relativement d’accord avec ses propos. En revanche, la façon dont il semblait traiter la femme bien qu’il ne lui adressa rien d’autre qu’un regard lui plaisait beaucoup moins. Tout grand séducteur qu’il était, Ojin estimait que gagner la servitude d’une femme ne devait point se faire par la force, mais la persuasion. La séduction… peut-être l’amour. Mais nullement par l’esclavage, qu’il devinait violent rien qu’au travers du comportement de West Duke.

“ Hm… vous avez raison. “

Dit-il en sortant une pipe en bois de son kimono à col ouvert, plaçant l’embout entre ses lèvres avant d’allumer le tabac qu’elle contenait. Une fumée violette s’en dégagea, avant qu’il n’en exhale les vapeurs, gardant un oeil stoïque sur le bossu qu’était West Duke. Aucun de ses gestes ne renvoyait la moindre peur ou once de crainte. Précisément pour peut-être légèrement irriter sa proie, la forcer à s’emplir d’orgueil, gonfler son ego… et sans doute l’approcher avec imprudence. Chose qu’il fit, poussé par l’impatience de voir sa marchandise. Une marchandise dont il devinait être les armes, la poudre… peut-être même le vin. Difficile de savoir si tout ce qu’ils avaient pu trouver dans le navire lui était destiné.

“ La marchandise est la. Et même en plus grande quantité que prévu. Seulement, les autorités rôdent… nous avons donc dû accoster plus loin, à l’écart de la lumière du port. “

A mesure qu’il avançait, le jeune homme se tint prêt à lui porter un coup décisif. Et lorsqu’il fut à portée, Ojin fit lui-même un pas en sa direction, prenant un air jovial l’espace d’une phrase… ah, qu’il était contre nature que de le voir sourire chaleureusement.

“ Ne vous en faites pas, je vous ai même ramené une bouteille de grand crû en préambule. “

Mais alors qu’il fit un geste apparemment destiné à lui sortir la bouteille… sa main empoigna son sabre, décrochant alors un coup si puissant et vif qu’il en siffla dans l’air, directement en direction des avant bras de Duke. Ojin procédait souvent ainsi pour les criminels dangereux, la douleur et l’incapacité de se défendre en résultant s’avérait quasiment toujours suffisante. Néanmoins, un nouvel objectif avait germé en son esprit cette fois-ci: sauver cette jeune femme. Pour cela, agir vite s’avérait primordial.

Son coup semblait avoir fait mouche… mais pas autant qu’il ne l’aurait espéré. En effet, reculant vivement, l’individu hideux avait littéralement laissé tomber ses bras au sol, dévoilant ainsi sa nature de cyborg ou du moins ce fut ce que conclut le jeune homme. Quitte à être en partie métallique, autant faire quelque chose pour arranger sa laideur non ? Ou la difformité de son corps était-elle due justement aux implants dont il était affublé ? Ojin n’avait pour ainsi dire pas eu le temps de l’observer assez.

“ … “

S’il s’était apprêté à lancer une pique verbale à son adversaire, ses bras restés au sol s’agitèrent et les chaînes, bougeant soudainement, parvinrent à le projeter contre un rocher adjacent bien qu’il amortit le coup avec son épaule. Manifestement, tout ceci était une feinte et le cyborg se retrouva bientôt doté à nouveau de ses deux bras, justement rattachés par les chaînes.

“ Mes codes et mes coutumes, c’est de fracasser les criminels. “

Dit-il, affichant un sourire narquois alors que son unique oeil oscillait entre l’homme et son sous fifre. La femme, elle, semblait bien trop pétrifiée par la situation pour agir, si bien que le borgne s’adressa directement à elle. Rassurant ? Ojin ne l’était pas, à vrai dire son visage ne renvoyait guère plus d’honnêteté que celui de Duke… mais au moins pouvait-il se vanter d’un physique avantageux, et d’être du bon côté de la loi.

“ Reste hors du combat… car après cela, tu seras libre. “

S’il se doutait que ces simples phrases donneraient sûrement envie à Duke de s’en prendre à elle, ainsi laisserait-il une ouverture au jeune homme. Mais ces mots étaient avant tout la pour donner un maigre espoir à la jeune femme d’un jour voir la liberté lui tendre les bras. S’il avait réellement eu un mauvais fond, Ojin aurait tout simplement été pirate… non ?

Ainsi, lorsque la chaîne fonça vers lui, le borgne se contenta d’esquiver d’un bas habile sur la droite, laissant la chaîne le séparer de l’acolyte du bossu qui s’approchait l’espace d’un instant. Un instant qui lui fut suffisant pour s’imprégner de la situation et la retourner à son avantage. En effet, usant de la chaîne, le borgne s’en empara et se servit de la vitesse prise par l’homme de mains pour le faire entrer en collision avec elle-ci et l’enrouler autour de son cou. D’une pierre deux coups. De cette manière, ses deux adversaires se retrouvaient gênés et Tokoyami tenta d’en profiter pour foncer droit sur West Duke. Evidemment… le jeune homme ne perdit pas de vue son second bras, qu’il pourrait lui envoyer à tout instant et qui serait sans aucun doute plus difficile à esquiver à courte distance, ou le poing mettrait moins de temps à l’atteindre.

L’objectif n’était de toute manière pas de vaincre à proprement parler. Seulement gagner du temps tandis que les lumières approchaient. Car d’une manière ou d’une autre, West Duke était déjà condamné.

S’il était parvenu à retourner la situation à son avantage, le duc y parvint également en jouant de sa cruauté, sacrifiant alors son homme de mains pour stopper l’assaut du borgne, qui fut projeté par l’impact sur quelques mètres. Si cet assaut n’était visiblement pas destiné à infliger des dégâts, Ojin parvenant à retrouver ses appuis aisément, celui-ci l’avait stoppé dans son assaut et ainsi permis au criminel de s’en sortir sans trop de mal. Un gros sacrifice pour des résultats modérés, en somme.

“ Pas mal, le coup du sous-fifre sacrifiable. “

Dit-il en faisant craquer les cartilages de sa nuque, souriant. S’il avait pu l’avoir une fois ainsi, ce serait bien l’unique fois qu’il y serait confronté. A moins qu’il se serve de la femme, chose à laquelle le borgne veillait attentivement… surtout pour elle que lui.

Observant du coin de l’oeil le dernier sourire de l’acolyte avec cynisme, jugeant qu’il faudrait sûrement être un bien piètre humain pour donner sa vie à quelqu’un d’autre, l’épéiste fit un pas en direction du duc. Mais alors qu’il calculait le meilleur angle d’attaque en prenant en compte ses bras et la trajectoire qu’ils pourraient adopter, de nouveaux ennuis s’interposèrent. Les hommes, ou plutôt esclaves de son adversaire, chargèrent le chasseur sans grande organisation, à la manière d’une charge suicide.

“ … “

Grossière erreur. Le duc agitant ses mains plus ou moins guidées par les chaînes reliées à ses bras, Ojin décida alors de se servir de cette marée humaine comme d’un bouclier pour contrer les assauts à distance du duc. A priori, difficile de l’atteindre s’il était entouré d’hommes s’agitant à la manière d’une fourmillère dans laquelle on aurait mis un coup de pied.

“ Tu ne seras pas contre sacrifier d’autres de tes hommes j’imagine. “

Dit-il, cynique, alors qu’il vit la femme se “mêler” au combat ou plutôt tenter de faire acte de présence. Sans doute ne tenait-elle pas plus que cela à la vie, chose qui n’empêcha pas Ojin de la sauver. En effet, alors qu’il était occupé à esquiver et parer le plus d’attaques possibles -tuer lui retirerait de potentiels boucliers humains- le jeune homme chargea la femme pour la plaquer au sol et l’assomer d’un coup de garde. Un geste violent, mais nécessaire pour la mettre hors combat tout en lui permettant de se faire oublier au milieu de la masse de cadavres qui commençaient à tomber.

Tokoyami se redressa ensuite, jetant un coup d’oeil derrière lui en direction des lumières. Il bénéficiait manifestement d’une bonne marge de manoeuvre. S’il était entaillé à divers endroits, esquiver tous ces assauts sans contre attaquer étant peu propice pour rester indemne, le jeune homme restait encore en pleine possession de ses moyens. Et, alors qu’il se rapprochait progressivement du duc, le chasseur fit un mouvement contre-instinctif en… jetant son sabre en direction d’un des bras mécaniques de ce dernier, espérant trancher ses chaînes ou du moins obstruer le mécanisme.

Loin de s’arrêter en si bon chemin, le borgne récupéra une des armes de ses assaillants et, saisissant le plus proche pour le lancer à l’encontre d’une chaîne menaçant de le percuter, le chasseur de primes réitéra l’opération en projetant l’arme vers le second bras du duc avant de charger en sa direction, récupérant un troisième sabre au passage. A voir s’il avait d’autres tours dans son sac cette fois-ci.

Nouvelle erreur, Ojin fut arrêté avant de pouvoir l’atteindre et renvoyé… mais, loin de s’arrêter en si bon chemin, le borgne profita de l’emprise du criminel pour agripper la chaine reliée à son bras. Entouré par les alliés du duc, le jeune homme tira un grand coup sur la chaîne pour forcer l’hideux à se rapprocher de lui. S’il pouvait fendre la pierre à l’aide de sa seule force et de l’incision d’un sabre, voyons donc à quel point son adversaire pouvait être fort… car Ojin aimait les défis.

“ Ton corps tu l’as déjà bousillé tout seul. “

Dit-il, cynique, alors qu’une nouvelle masse d’ennemis attaquait. Forcé de relâcher la chaîne quels que soient les résultats de sa tentative, Ojin profita du manque de connaissances martiales de ses adversaires pour tenter une manoeuvre audacieuse et s’écrasa au sol, effaçant sa silhouette en une seconde pour laisser leurs lames frapper le vide… tout en effectuant un mouvement circulaire et très puissant tranchant alors les pieds d’une bonne dizaine d’esclaves dans le même temps, pour les plus proches de lui.

Hurlants de douleur, les estropiés s’effondrèrent au sol dans une marée de gémissements sinistres faisant soupirer le jeune homme, qui se tenait déjà prêt à continuer sa besogne.

“ Ça va, ça aurait pu être la tête. “

Avançant désormais vers les hommes censés contenir sa fuite avec leurs marteaux, le chasseur engagea le combat par nécessité bien qu’avec réticence. Le jeune homme commençait à fatiguer et sa cible était difficile à atteindre… sans parler du navire ennemi qui approchait, menaçant de l’atteindre avant celui des hommes de la marine et de son employeur. Aussi fort pouvait-il être, le nombre finirait sûrement par avoir raison de lui… à moins qu’il ne leur permette pas d’être pris pour cible.

En effet, soudain pris d’une idée, Ojin attrapa l’un des gaillards en le désarmant et courut en direction du duc, tenant le bonhomme massif devant lui comme bouclier. Puisqu’il n’avait plus qu’un bras fonctionnel, difficile de le toucher sans s’en prendre à son collègue, qui lui servirait donc de bouclier humain… pour lui permettre d’atteindre le duc au corps à corps et d’empêcher à ce navire de lui tirer dessus à coup de canons ou autres armes manquant de précision.

S’il sentait son adversaire acculé et paniquant, Ojin pouvait néanmoins reconnaître que le duc avait de la réserve. Il lui fallait au moins cela pour lui tenir tête après tout. Celui-ci pouvait d’ailleurs s’estimer heureux d’avoir tout une armada à ses ordres lui permettant de faire diversion et de le protéger du borgne. Chose qui commençait d’ailleurs à irriter quelque peu le jeune homme malgré son absence de réaction apparente. Au moins pourrait-il se vanter d’avoir mérité sa prime lorsqu’il en aura terminé avec lui.

Ainsi, la réaction inattendue du duc faillit bien transpercer le chasseur au travers de son propre homme de mains si le sabreur n’était pas doté d’une vivacité hors du commun lui ayant permis de réagir à temps. La lame avait pu traverser sa peau sur quelques centimètres au niveau de l’épaule, rien de dramatique mais tout de même signe qu’il devrait être plus prudent à l’avenir.

Tentant d’échanger sa place avec le cadavre par surprise, son coup manqua de peu l’hideux qui parvint à se propulser près de ses hommes tel un misérable cloporte courant pour sa vie. Le spectacle était aussi pitoyable qu’amusant à voir pour Ojin, qui s’amusa de voir un homme censé être craint agir ainsi.

“ Regarde toi, petit rat. Tu as peur ? “

Sans bouger de sa position alors que le navire commençait à tirer, Ojin rengaina même son katana dans son fourreau. Les boulets, rapides mais bien assez larges pour qu’il puisse les voir venir, percutèrent le sol et les bâtiments alentours dans un déluge de violence, semblant submerger le chasseur qui disparut au milieu de la salve dans la poussière et les débris soulevés par les divers impacts. S’il serait aisé de le penser mort pour de bon, Ojin avait un talent particulier pour l’esquive…

… Et s’en servit pour ressortir indemne. Pas de demi-mesure de toute manière, un seul boulet aurait sûrement suffit à le réduire en bouillie. Ainsi, profitant de ce camouflage provoqué par l’assaut, le chasseur contourna largement la scène en rejoignant la mer bordant le port. Si le navire de son supposé collègue n’était plus visible, ce ne serait point suffisant à lui faire abandonner. Au contraire, plongeant dans l’eau, le borgne se dirigea vers le navire du duc lui ayant tiré dessus, nageant sous la surface de l’eau au cas ou. Couplé à l’obscurité, difficile de le distinguer… surtout que les troupes devaient sûrement le penser mort.

Atteignant finalement la coque du navire ennemi, le jeune homme émergea de l’eau et sortit à nouveau son katana, entaillant alors profondément la coque sur un bon mètre de longueur. L’eau s’y engouffra alors très rapidement, promettant au navire de sombrer rapidement… juste assez pour lui laisser le temps de ressortir. Situé dans le dos du duc, qui avait eu la mauvaise idée de se placer en dernière ligne et donc proche de l’eau,, il n’oublia cependant pas la consigne et se contenta de le charger silencieusement afin de tenter de lui sectionner le bras fonctionnel.

“ Bouh. “

Alors qu’il s’apprêtait à contrer l’homme de mains du duc, le borgne fut surpris de le voir baisser les armes, et même ouvrir la voie comme signe de bonne volonté. Résigné, sans doute celui-ci espérait ne pas subir un traitement trop dur… Ojin n’en avait de toute manière que faire. Pas de prime, pas d’intérêt, sans doute aurait-il droit à quelques jours de mitard avec un peu de chance.

Le bandit, en revanche, n’eut pas la même chance puisqu’il était dores et déjà condamné à la pendaison ou la prison à vie… avec un bras en moins. En effet, celui-ci ne parvint pas à contrer l’assaut du borgne qui lui sectionna nettement le bras, le laissant tomber au sol dans une gerbe de sang et surtout un hurlement de terreur plus que de véritable douleur. Sans doute était-ce le choc de se savoir perdu après toutes ces années d’impunité. Les grands criminels réagissent tous comme ça…

“ Estime toi heureux de vivre déjà, foutriquet. “

Dit-il en observant le carnage causé par son partenaire un peu plus loin. Ainsi s’était-il approché discrètement… astucieux. L’équipage du pirate ne put résister bien longtemps, balayé aussi vite qu’il était venu sous les yeux impuissants du capitaine qui se voyait roi quelques minutes encore auparavant. D’ailleurs, celui-ci, dans une dernière tentative, s’en pris directement au bretteur.

“ … “

Les chaînes passées autour du cou, Ojin restait pourtant impassible alors que celles-ci se resserraient progressivement autour de lui.

“ Pitoyable. “

Attrapant les chaînes pour tirer le cyborg vers lui, piégé par son propre corps puisqu’il se retrouvait irrémédiablement attiré vers Ojin, ce dernier lui adressa un regard empli de dédain et articula d’une voix caverneuse, grave.

“ C’est tout le problème avec les pirates. Vous n’en avez jamais assez. Tu devrais me bénir pour avoir daigné épargner ta misérable existence. “

Sortant son katana, il l’abattit sur le second bras du malheureux comme punition mais aussi pour se libérer.

“ Car ta vie n’est d’aucune valeur en ce monde. “

Ojin restait imperméable aux pleurs et suppliques des esclaves. Il n’était la que pour la prime, et éventuellement la femme qui n’avait pas réagi de la même manière qu’eux. La marine serait de toute manière bien plus apte à les aider qu’un chasseur de primes solitaire.

“ Plus d’obligations non ? Votre patron est hors circuit, vous êtes libres. “

Dit-il pour se défaire des esclaves, qui allaient pouvoir sans doute renouer avec leur famille… a moins que le duc ait toujours des collaborateurs un peu partout. Si c’était le cas, il y aurait ainsi plus d’argent à se faire. Une aubaine pour le borgne, qui alla récupérer la femme toujours évanouie au sol. Surélevant sa tête et son buste, le jeune homme fit le nécessaire pour lui faire reprendre connaissance.

“ … “

Dans le même temps, le duc lui proféra des menaces. Menaces qui amusaient bien le chasseur, qui n’entendait pas cela la première fois. Au moins pouvait-il s’estimer heureux, ses bras étaient déjà perdus avant qu’il ne les coupe de toute manière. Avec un peu de chance, sans doute pourrait-il en avoir de nouveaux ? A voir si les criminels pouvaient bénéficier de ce genre de traitement, chose qu’Ojin ne soutiendrai sûrement pas.

“ Je récupérerais ta prime une seconde fois alors. “

Répondit-il au criminel en se redressant, aidant la jeune femme à se relever également.

“ Votre aide était la bienvenue également. "

Dit-il à son camarade du jour, qui lui avait amplement facilité les choses. Ojin ne s’était pas attendu à tomber sur tant d’adversaires, lui qui pensait s’occuper seulement du duc. Ce qui ne l’avait pas empêché de mener sa mission à bien, evidemment.

“ Ce n’était pas aisé… “

Il passa une main sur les marques de chaînes à son cou, qui commençaient à s’estomper.

“ Ce sont les aléas du métier. Quoi qu’il en soit j’espère que vous saurez le placer ou il le mérite. Concernant cette jeune femme et les esclaves, qu’allez-vous en faire ? “

Demanda t-il en s’intéressant surtout à la femme, mais il fallait bien y mettre les formes.